Luc Chatel : Illusions et méthode Coué…

Publié le par Jean Dornac

Lorsqu’on cherche à comprendre la nature profonde d’un pouvoir, il faut analyser, notamment, quelle est sa violence et quelles formes elle prend. Nous avons vu la violence du discours, tant de Nicolas Sarkozy que de son conseiller Henri Guaino contre les Africains (Sarkozy et Guaino n'aiment pas les Africains...) ; nous avons vu la violence sous forme d’humour sinistre du ministre Bachelot contre les plus fragiles de notre peuple (La cruauté et l’humour sinistre du ministre Bachelot).


Aujourd’hui, je vous invite à découvrir une autre forme de violence, celle qu’exerce Luc Chatel. Celle-ci, également, est pernicieuse parce que cachée sous des mots, parce qu’elle n’est pas physique et donc peu perceptible pour les citoyens. On pourrait se contenter d’en rire, mais je crois que c’est bien plus grave qu’il n’y paraît au premier abord. Ce personnage, responsable de la propagande, officiellement porte-parole du gouvernement, nous prête, à nous tous qui composons le peuple français, l’approbation de la politique sarkozienne. C’est évidemment faux, c’est grossier, mais c’est également insultant pour tous ceux, si nombreux, qui souffrent sous le joug de ce pouvoir. Affirmer que nous soutenons la politique de Sarkozy et des siens, alors que nous sommes plus que nombreux à être des opposants déterminés, est une violence à notre dignité, à notre conscience, à notre liberté.

A propos du « Figaro »…

Lire le Figaro, version internet, est souvent jouissif ! Car le magasine de M. Dassault tire en « rafale » des boulets rouges contre les si minces intérêts d’un peuple entier, le plus pauvre, le plus fragile. Pour ce faire, il offre, toujours en « rafale », ses colonnes aux ministres et à tous les affidés du pouvoir. Mais tout comme pour ses avions, ses fameux « rafales », les « roquettes » ministérielles font un joli flope ! L’idéologie contenue, aussi bien dans le magasine que dans les discours du pouvoir, se vend aussi mal que les avions…

Cette fois, le Figaro, ouvre ses colonnes à Luc Chatel, porte-parole du gouvernement Fillon. Consciencieusement, l’homme porte le « catéchisme » du pouvoir sarkozien en zélateur et adepte enflammé de son maître et gourou. Pour faire bonne mesure, bien entendu, le même zèle est mis dans la défense des dogmes de l’idéologie néoconservatrice que certains s’appliquent toujours, de manière comique, à nommer « libéralisme ». Ce qui est une évidente injure pour les libéraux, les vrais, ceux du siècle des Lumières…

Détaillons un peu l’interview du porteur des « vérités » sarkoziennes…

A propos du débat sur le rythme des « réformes ».
« Le débat sur le rythme des réformes est d'ailleurs loin derrière nous : l'année dernière, tout le monde y compris au sein de la majorité s'interrogeait sur la nécessité d'aller plus vite ou, au contraire, de ralentir le pas, pour ne pas brusquer le corps social. Aujourd'hui, tout le monde reconnaît la pertinence du rythme et de la concomitance des réformes. À commencer par les Français, qui souhaitent majoritairement que l'on poursuive sur cette voie (58 % selon CSA du 11 juillet.) Et une bonne partie d'entre eux réclame même que l'on accélère le tempo. »

Il est extraordinaire de lire les propos du porte-parole ! Voilà un homme qui affirme, et avec quelle force, que « tout le monde reconnaît la pertinence du rythme et de la concomitance des réformes ». S’il ne s’agit pas de propagande, qu’on me dise de quoi il s’agit ! Il nous est nécessaire de nous poser la question suivante : Mais que et qui représentent donc le « monde » de Luc Chatel ?
- S’il se limite au gouvernement, nul doute qu’il a raison !
- S’il s’agit du gouvernement et des députés « godillots », certes, il ne se trompe sans doute pas, encore que je mettrais un bémol quant à certains députés UMP pour qui la réforme de la Constitution fut une soupe bien amère.
- S’il englobe les militants UMP, oui, sans doute une majorité d’entre eux approuve le galop du réformisme, puisque que pour tous les conservateurs, on sait bien que reculer, c’est avancer ! Surtout s’il s’agit de reculer sur le plan social ! Ah, merveilleux bond en arrière vers le 19ème siècle !

Il faudrait, cependant, rappeler à Luc Chatel, que sont également Français, la masse des gens de gauche, que celle-ci soit une gauche caviar ou une gauche ayant encore du sens. Il faudrait aussi lui rappeler, car sans doute l’ignore-t-il, que le plus grand nombre d’individus appartenant au peuple français, dont moi d’ailleurs, n’a strictement rien à faire des partis politiques ou de la catégorisation gauche-droite, extrême-gauche – extrême droite. Nous vivons hors partis politiques et nous ne nous en portons que mieux ! Luc Chatel trouve « 58% de Français qui souhaiteraient que l’on poursuive sur cette voie ». Très amusant à un moment où Nicolas Sarkozy ne recueille qu’un soutien ridicule dans le peuple ! On voit, là, combien il faut prendre les résultats des sondages avec de très grandes pincettes. On fait dire ce qu’on veut aux Français interrogés par les instituts de sondage. Il suffit de tourner la question d’une certaine manière, de lui donner une certaine orientation. Combien de fois, moi-même, alors que j’aurais aimé répondre à des sondages figurant sur internet, dans le nouvel obs, le figaro, le monde, etc, y ai-je renoncé parce que la manipulation était trop grossière, les deux propositions présentées orientant déjà et obligatoirement la réponse dans le sens voulu par les commanditaires du sondage.

Une méthode Coué poussée jusqu’à l’absurde

Il y a quelque chose de comique, de burlesque, de pathétique aussi, dans la façon dont Luc Chatel tente de se convaincre, et donc de nous convaincre, que nous voudrions une accélération des réformes.

A propos du travail parlementaire, voici ce qu’il affirme :
« Le chantier législatif est en effet énorme. Il faut notamment discuter et faire voter le «Grenelle de l'environnement», la loi sur l'outre-mer, la loi de programmation militaire, la loi d'orientation sur la police, une loi sur l'audiovisuel, une sur le logement ou encore les neuf lois organiques découlant de la réforme institutionnelle. À cela s'ajouteront le vote du budget de l'État et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. L'agenda parlementaire est très chargé. C'est pourquoi la question d'une session extraordinaire du Parlement se pose. Avec un objectif : répondre à l'impatience des Français »

Boulimique, la majorité actuelle, vous ne trouvez pas ? Cela dit, je ne m’inquiète pas outre mesure pour les parlementaires, d’abord parce qu’il suffit de regarder les bancs de l’Assembléé, lors des séances, pour voir le peu de députés intéressés par leur travail… On trouve de tout : ceux qui lisent leur journal ; ceux qui envoient des msn ; ceux qui dorment ; ceux qui font « causette » entre eux, ceux qui sont absents, etc… on dira qu’ils ont des excuses… Pourtant, concernant les députés UMP, si fiers d’apporter leur soutien au travail d’un type esclavagiste dans le privé notamment, il serait bon de leur rappeler que si un employé les imitait dans son entreprise, il serait immédiatement viré ! Ce serait franchement bien si nous, citoyens qui sommes en quelque sorte leurs employeurs, nous ayons le même droit de licenciement… Ce serait, pour le coup, une vraie et profonde réforme, une vraie rupture, celle-là !

A vrai dire, je ne me fais pas de soucis pour les députés pour une raison supplémentaire : Acceptant tout, comme de bons petits soldats au garde-à-vous, le doigt sur la couture du pantalon, le travail de réflexion n’est pas franchement pénible. L’Elysée leur dit ce qu’il faut faire et ils le font !
Ainsi, pour le « grenelle de l’environnement », nulle illusion à se faire, tout sera à minima, et les faucheurs volontaires comme tous les écologistes n’auront plus que leurs yeux pour pleurer et regretter, amèrement, d’avoir, un instant, fait confiance à ce pouvoir. Pour la sécurité sociale, tout comme pour la loi sur l’audiovisuel, ce sera haro sur le baudet qui paye, autrement dit nous tous !

Et, enfin, pour que les députés ne renâclent pas trop, rien de tel que de leur servir un bon coup de méthode Coué, ce que fait Luc Chatel en affirmant benoîtement : « il faut répondre à l’impatience des Français ! »
Vous êtes impatients, vous qui me lisez, de vous faire tondre ? Cela m’étonnerait ! Si nous sommes impatients de quelque chose, c’est juste de la fin de ce pouvoir abusif, c’est juste du retour d’un minimum de justice et d’équité sociale, ce que justement ce pouvoir ne veut surtout pas, sorti des discours lénifiants de la propagande sarkozienne.

A propos des réformes en cours, Luc Chatel affirme à la journaliste du Figaro : qu’il va y avoir « une réforme d’envergure de l’hôpital ». Vous savez ce que cela veut dire : L’entrée dans un système de santé à l’américaine ! Pourront se soigner ceux qui auront les moyens de se payer un séjour dans les meilleures cliniques. Les autres, tous les autres, c’est-à-dire nous tous, on nous parquera dans des hôpitaux sans moyens, sans sécurité minimale… Il ne fera vraiment pas bon d’être malade au cours des prochaines années. A mon avis, c’est l’abattoir qui nous attend le plus vraisemblablement…

Et, en avant pour un petit coup de lèche-bottes et pour la propagande !

 Il s’y connaît, le porte-parole ! Jugez-en plutôt :
« … c'est avant tout l'esprit de la réforme qu'il faut continuer à porter. Nicolas Sarkozy a mis en place une méthode. Elle consiste à afficher ses convictions, assumer ses idées, puis préparer l'opinion à ce qui va être décidé. »
A mon avis, ce n’est pas un hasard si ce monsieur se trouve à ce poste précis… Non ?

Ne reste plus, après tout ça, que de préparer le terrain pour une grosse propagande ! Cette chose-là, ce pouvoir, la connaît bien :
« Une fois la décision prise, il faut faire la pédagogie de la réforme, « le service après- vote ».
Oui, parce qu’évidemment, nous, pauvre peuple ignare et inculte, on ne comprendrait rien, bien sûr, sans la pédagogie-propagande gouvernementale !

Et puis, pour finir, toujours avec le recours à M. Coué et sa célèbre méthode d’autosuggestion, arrive, bien entendu, l’inévitable autosatisfaction :
« Ce que j'observe, c'est un profond changement des mentalités. D'énormes batailles idéologiques ont été gagnées. Regardez la mise en place du service minimum à l'école, la fusion de la DGI et du Trésor, l'instauration de peines planchers ou, encore, le principe de l'immigration choisie. »
A la place de Luc Chatel, je ne me vanterais pas aussi fort, je resterais tout de même un peu plus modeste. Quelle prétention que d’oser affirmer que « d’énormes batailles idéologiques ont été gagnées » ! Et d’oser détailler ce qui fait le plus honte aux citoyens restés lucides et humanistes !

- L’immigration choisie, honte à ceux qui ont fait un tel choix ! N’en sont heureux que les peureux et les excités d’extrême droite ! Mais c’est une douleur pour tous les autres…
- La fusion de la DGI et du Trésor, je ne crois pas m’avancer beaucoup en disant que la grande majorité des citoyens s’en fiche totalement.
- Les peines planchers, il en est visiblement fier. A mon avis, là encore, en sont comblés les peureux et les extrémistes de droite. Pour le reste, nous ne pouvons qu’être atterrés d’un tel recul de mentalité chez nous…
- Le service minimu à l’école ? Quelle plaisanterie ! Quelle réforme ! C’est juste donner satisfaction à ceux qui sont ennuyés par les grèves et, au-delà, c’est donner satisfaction à un monde patronal qui sait que ce genre de mesure diminue l’efficacité d’une grève. Ce n’est pas une réforme, juste de la casse sociale…

Coué encore et toujours…
« Aujourd'hui, les Français ont compris que le temps de travail ne peut pas se partager, que la concurrence est bonne pour les consommateurs, que l'Europe n'a pas tous les torts et que l'on peut consommer autrement pour sauver la planète. Mieux, je crois que les Français sentent que sans réformes, la France ne sera bientôt plus dans la course. C'est pour toutes ces raisons qu'il nous faut continuer à avancer et à tenir nos promesses. »

Sont-ils si peu sûrs d’eux, les gens appartenant à ce pouvoir, pour que, sans cesse, ils en reviennent à Coué ? On peut vraiment se poser la question…

Quoi qu’il en soit, c’est un bien pauvre discours pour une politique malhonnête, soutenue uniquement avec le secours d’une vaste propagande d’Etat, propagande qui devrait encore augmenter puisque le responsable du budget de la propagande demande une lourde augmentation de ses moyens financiers. (j’ai oublié le nom du service et du responsable du service de la propagande d’Etat. Mais est-ce bien grave ? Il suffit de savoir qu’une telle officine existe… et prendre date).

Retour sur quelques affirmations du dernier passage de l’interview de Luc Chatel parce que c’est vraiment trop comique venant d’un néoconservateur français :
- le temps de travail ne peut pas se partager : autrement dit, travaillez toujours plus pour moins de salaire.
- la concurrence est bonne pour les consommateurs : oui, on le voit, depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, les consommateurs en question, grâce à la « sainte concurrence » se serrent toujours plus la ceinture. Décidément, les dogmes, à quelque domaine qu’ils appartiennent, font partie d’un ridicule avéré.
- Consommer autrement pour sauver la planète : c’est pour obtenir ce louable résultat, bien sûr, que le gouvernement ne remettra pas en cause l’agriculture intensive, le tout chimique, les OGM et tout ce qui, précisément détruit la planète…

Oh triste pouvoir, tristes propagandistes ! Que de violences vous semez dans les cœurs de tous ceux que vous trompez ! Votre responsabilité sera extrêmement lourde, le moment venu…

Propos recueillis par Claire Bommelaer – Figaro du 30/07/2008

En conclusion

Mes propos doivent paraître violent, du moins pour quelqu’un qui veut cheminer sur le chemin de la non-violence. Oui, mais la non-violence n’est pas faite d’angélisme. Lutter pour un monde plus juste, plus respectueux de l’humain et de la vie en général, veut dire tout faire pour être lucide sur les causes de nos malheurs, le plus objectivement possible. Il faut donc montrer ce qui ne va pas. Et il ne faut pas prendre des détours et des méandres qui perdraient le lecteur en cours de route, à force d’ennuis et de circonvulsions.
A mon sens, lorsqu’on veut lutter contre un pouvoir, quel qu’il soit, il faut dire les choses comme nous les ressentons, même si cela peut paraître violent.

En revanche, je m’interdis totalement à appeler à la violence, notamment physique, contre un pouvoir. Tant d’un point de vue stratégique que par rapport à l’esprit de non-violence, ce serait inacceptable ! Pas de meurtres, pas de révoltes violentes, pas d’attentats, pas de vols, pas de pillages ! Non, mais une lutte par la désobéissance civile, le plus souvent possible et surtout, pas seuls ! C’est le nombre de désobéissants réellement non-violents qui peut mener à la fin du pouvoir actuel en France comme ailleurs dans le monde.

Songez-y !

- Si nous entrons en violence, le plus grand nombre mourra de la violence bien plus grande des pouvoirs ;
- si nous entrons en non-violence, quelques-uns, peut-être, mourront, d’autres, beaucoup plus nombreux, passeront un temps plus ou moins long en prison, mais au bout, je n’en ai pas le moindre doute, la victoire sera donnée, le pouvoir tombera comme un fruit totalement pourri.

Mais il faut de courage, de la persévérance et beaucoup de patience…

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