Le pouvoir a-t-il un sens ? (4)

Publié le par Jean Dornac

Bref résumé des trois premiers articles de l’analyse : Le postulat posé indique que les pouvoirs, pratiquement sans exceptions, fonctionnent face aux peuples, à la manière d’un « père » (ou d’une mère) abusif. De ce fait, et par volonté, consciente dans certains cas, inconsciente dans d’autres, ces pouvoirs maintiennent les peuples dans la dépendance et les empêchent d’accéder à l’âge adulte.

Le postulat pose que pour être adultes, ces peuples doivent accéder à une vie sans les pouvoirs devenus inutiles. Enfin, nous avons vu également que si les pouvoirs d’aujourd’hui sont légitimes par rapport au droit, écrit et décidé par et pour les pouvoirs eux-mêmes, ils sont illégitimes au regard du « droit moral » non écrit mais fort bien compris par les peuples et par nombre d’individus.

La création d’une élite implique que celle-ci se considère nécessairement comme étant au-dessus du lot, dès le moment où elle entretient pour elle-même et en elle-même la croyance qu’elle est l’élite. Le « lot » étant le peuple, la plèbe, voire, pour certains, la racaille... Ce « lot » est toujours considéré comme inculte, incapable de comprendre les tenants et les aboutissants d’une décision qui, pourtant, le plus souvent, ne semble nécessaire et utile qu’à ces élites. Un parent abusif, saura, lui aussi, toujours faire comprendre à l’enfant ou l’adolescent qu’il maintient sous sa domination, qu’il est nul, incapable de réaliser quoi que ce soit...

Quelques exemples contemporains de cet exercice du pouvoir

Comme exemple frappant, nous pouvons considérer le choix du nucléaire en France, depuis trois décennies. Au départ, il y avait ce qu’on a appelé la « crise pétrolière ». Cette crise, à bien y regarder, n’était que la conséquence du réajustement des prix du pétrole, prix maintenus à un niveau excessivement bas par les compagnies pétrolières occidentales, volant de fait, les ressources naturelles des pays producteurs de l’or noir. Les véritables propriétaires de cette ressource naturelle décidèrent de mettre, tout à fait légitimement, fin à cet abus ne profitant qu’aux sociétés pétrolières étrangères et aux économies des pays dont étaient issues ces sociétés.

En France, pour pailler le manque soudain d’or noir, pour pallier une facture de plus en plus lourde, la propagande de l’époque s’appliqua à nous persuader que si « la France n’a pas de pétrole, elle a des idées ! » Le ridicule d’une telle propagande ne fut pas toujours perçu par les citoyens. Cette manipulation à l’adresse du peuple, grossière dans les termes, mais subtile dans ses desseins, allait permettre de faire admettre comme naturelle et indispensable l’énergie nucléaire. Il fallait bien, pour justifier la maxime très méprisante à l’égard des pays producteurs, amener ce qui constituait, aux yeux du pouvoir, l’idée maîtresse.

On nous imposa donc la « merveille » qu’était le nucléaire, l’énergie inépuisable, parfaitement maîtrisée, propre, si peu chère et qui allait, enfin, nous offrir notre indépendance énergétique... Le pouvoir, à l’époque, était dans les mains de Valéry Giscard d’Estaing et de ses amis. Ce qui ne fut pas crié sur les toits des chaumières françaises, c’est que la famille du Président possédait de très gros intérêts dans le nucléaire. Et comme par hasard, le nucléaire devint, presque du jour au lendemain, l’énergie qui « sauverait » la France. La décision fut prise de construire des dizaines de centrales nucléaires tout en imposant, dans les médias, une propagande très lourde sur les avantages de cette énergie réputée « propre ». Tchernobyl n’était pas encore passé par là...

Mais le peuple, lui, fut-il jamais consulté ? Evidemment non ! Depuis, fut-il consulté ? Evidemment non ! Et à la veille d’une politique de relance du « tout nucléaire », le pays est-il consulté ? Evidemment non !

Lorsqu’une partie du peuple gronde, n’étant pas dupe quant aux dangers considérables de l’industrie nucléaire, le pouvoir, seul « souverain », méprisant totalement le peuple dominé et infantilisé par la propagande, ce pouvoir réputé, « issu du peuple », lance ses forces de répression contre les ignares. Ce fut le cas à l’occasion de la construction de la centrale de Creys-Malville, et la répression fut cause de mort d’homme...

On voit par cet exemple l’irrespect absolu du pouvoir face à la volonté du peuple. Le peuple n’est souverain que sur le papier et dans les discours destinés à le flatter pour l’endormir. Dans la réalité des faits, le seul « souverain » est le pouvoir, autrement dit une caste de politiciens, celle que j’ai décrite dans la partie 3 de l’analyse.

L’élite passe à la folie par l’orgueil.

La création de la notion d’ « élite », à laquelle s’assimile la quasi-totalité des pouvoirs, politiques, médiatiques, financiers, industriels, scientifiques, religieux, etc, est le produit d’un orgueil qui ne demande qu’à enfler de plus en plus. Chose qu’avait parfaitement décrite Jean de la Fontaine dans sa fable « La Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le Bœuf ». L’orgueil ne se satisfait jamais de lui-même et gonfle, jusqu’à mener à la folie le malheureux qui lui est soumis. Cet orgueil ordonne à ceux qui se laissent ainsi dominer par cette déplorable tare de se considérer toujours comme supérieurs au « lot » ; il les conduit à ne considérer comme vrais et valables que leur volonté, leurs aspirations, leurs intérêts personnels ou de caste. Cette façon de penser qui se transforme très rapidement en « pensée unique », propre à chaque pouvoir, conduit ces gens à user de la propagande et du mensonge. Si ces manipulations ne suffisent pas, les pouvoirs orgueilleux par nature utilisent les forces de répression afin que le peuple abdique toute sa souveraineté et tout velléité de résistance. En fait, le pouvoir abusif, n’admet aucune contradiction.

Il ne faut pas négliger le danger qui est étroitement lié à l’orgueil. C’est bien ce mal profond, capable de tout détruire y compris celui qui se laisse gouverner par lui, ce mal propre au seul genre humain, qui offre suffisamment de génie à ses victimes pour construire les idéologies les plus monstrueuses. Ce « génie » généré par l’orgueil et ses intérêts, construit, pour perdurer, la pensée unique propre à chaque pouvoir, disais-je il y a un instant. J’ajoutais que l’orgueil, par nature, dévore tout en l’homme puisqu’il enfle et ne peut qu’aller dans ce sens.

C’est dans cette mesure que l’on comprend que la mondialisation financière et marchande actuelle, basée sur une idéologie profondément ancrée dans un égoïsme proche de l’absolu, a fini par construire la « pensé unique » qui cherche cette fois à devenir universelle. Cette tendance à vouloir atteindre l’universel montre le degré de folie intrinsèque à l’orgueil... Cette prétention à l’universel montre aussi que l’humain est en danger bien au-delà de ce qu’il n’a jamais connu. En quelques millénaires, et pour schématiser, on peut considérer que l’orgueil fou et individuel et passé, de cap en cap, à des échelles sans cesse plus grandes et tend à atteindre désormais le degré absolu qu’est l’universel. Et lorsque la folie atteint un tel degré, toute vie est en danger, comme nous le constatons déjà : écosystème, faune, flore et humanité.

L’exercice actuel du pouvoir, son mépris absolu de la souveraineté populaire, pourtant inscrite dans la Constitution, le conduit, le plus souvent au mensonge et à la tromperie par la propagande et la manipulation, comme je l’ai déjà dit. L’exemple le plus frappant de ces dernières années reste bien sûr toute la campagne référendaire du TCE. Mais comment ne pas mettre sur le même plan les ordonnances de Dominique de Villepin, ces ordonnances qui créent le CNE (contrat nouvelle embauche - supprimé en juin 2008 parce que déclaré contraire au droit international par l'Organisation internationale du travail) ? La propagande gouvernementale disait qu’il s’agissait de favoriser l’emploi qui, paraît-il, se trouverait entravé par le Droit du travail. Or, pour favoriser l’emploi, ces ordonnances le rendaient précaire sur une période de deux ans, autant dire définitivement. Lorsque nous affirmions que les patrons, ravis de l’aubaine, qui se serviront de ce CNE chercheraient à licencier leur personnel pour le remplacer par les malheureux assujettis à ce nouveau contrat, le pouvoir nous présentait comme des extrémistes, menteurs de surcroît. Mais comment expliquer autrement que ce gouvernement, à la même époque, assouplissait parallèlement les règles de licenciement et qu’en même temps ou presque, il durcissait par décrets le contrôle des chômeurs et les sanctions encourues si certains de ces derniers refusaient les emplois imposés, sous-entendu le CNE ?

Depuis, bien entendu, Nicolas Sarkozy a fait mieux puisque sa propagande présente comme une grande avancée sociale le recours aux heures supplémentaires ! Et nombre de citoyens d’applaudir, oubliant que leurs prédécesseurs se sont battus pour la suppression de ce type d’acharnement au travail… Le rouleau compresseur de la propagande et des mensonges en rafale s’est abattu sur le peuple depuis l’élection du nouveau Président et nombre de citoyens se laissent « enchanter » par le « joueur de flûte »…

Pas mieux ailleurs, bien sûr...

Ailleurs, du côté de MM. Bush et Blair (et désormais le successeur de celui-ci), à les écouter, ils ont envahi l’Irak pour sauver le peuple écrasé par un tyran sanguinaire. Et ce tyran, d’un bien petit pays, selon les agresseurs, était un immense danger pour la planète entière, rien que ça ! Les faits ont démontré, ont prouvé, ce que nous avancions dès le départ, c’est-à-dire que tout, dans cette tragique histoire n’était que mensonge au service de la plus misérable cause qui soit, le vol du pétrole irakien.

Le même type de scénario peut se répéter partout. Les pouvoirs usent et abusent d’actes criminels qu’ils justifient et qualifient comme des actes au service des peuples. Pour résumer, je dirai, métaphoriquement, que pour satisfaire l’immensité de leur orgueil et de leurs intérêts personnels (et de caste), les politiciens de ce temps, sans doute encore bien plus lourdement que leurs prédécesseurs, font appel à Dieu pour servir le diable... Rappelez-vous, les « pays du bien » contre les « pays du mal »... Voyez, depuis un an, les rapprochements entre Sarkozy et les religions…

Un pouvoir dévoyé

L’exercice actuel du pouvoir revient à n’octroyer de valeur au peuple que dans la mesure où celui-ci abdique sa souveraineté. Tout est fait, sans cesse dans ce sens, et dans ce sens uniquement. Cette évidence montre à quel point ces pouvoirs suivent la mentalité des parents abusifs. Il faut, dans les deux cas, enfants comme peuples, que ces derniers renoncent à leur droit à l’autonomie, à leur droit de devenir adultes. Et dans les deux cas, le parallèle étant même saisissant, les tyrans, pères ou pouvoirs abusifs, pratiquent cette façon d’agir pour ne pas perdre une seule parcelle de leur pouvoir.

Sur un plan de morale élevée, dans le sens le plus grand, ces détenteurs du pouvoir ne respectent rien, en fin de compte : ni leurs victimes, enfants ou peuples, ni eux-mêmes puisqu’en rien ils ne se grandissent. L’orgueilleux, entre autres défauts, ne réalise plus ce qu’il est devenu, ne comprend pas la profonde laideur qui se dégage de ses actes et finalement de sa propre personne. Imbu de lui-même jusqu’à l’aveuglement complet sur tout ce qui le concerne, il détruit tout ce qu’il touche et de plus en plus à mesure que son orgueil prend de l’importance. Au final, il dévore progressivement et méthodiquement tout ce qui fit sa conscience. Persuadé qu’il est parfait par essence, il ne comprend pas que le peuple se dresse face à lui et il ne peut que mépriser cet ignare qui est trop bête pour le comprendre, lui, le parfait.

Combien d’exemples de ce type n’aurons-nous pas vus, dans le monde entier et en toutes époques ? Combien de morts, de destructions, de souffrances illimitées liées à cet orgueil absolu ? Les peuples auront payé un tribut excessivement lourd à l’orgueil de quelques-uns...

Face à ce type de pouvoir qui, désormais s’est mondialisé, il est autant nécessaire que légitime de construire la résistance des peuples...

à suivre

 

Publié dans Le pouvoir et nous...

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