Le pouvoir a-t-il un sens ? (12)

Publié le par Jean Dornac

Sur l’obéissance aux lois

La loi ! Voilà bien un mot, un concept, qui définit l’importance que s’arrogent tous les pouvoirs. Pour autant, ici, vous ne me verrez pas remettre en cause le principe même des lois, du moins, dans l’état actuel du développement mental des peuples. Je reste profondément convaincu, que nous n’avons pas atteint « l’âge adulte » des sociétés, et pas même celui de la majorité des individus. Je me range dans cette même catégorie, conscient de mes très nombreuses limites...

Je vous ai dit, dans les premiers articles ce que je pense de notre évolution et surtout quelles sont les causes, externes à nous-mêmes, qui nous empêchent d’aller vers cet âge adulte... Dans le contexte de la domination des pouvoirs sur les peuples comme les individus, « la loi » n’est que l’arme qui garantit et pérennise le pouvoir des puissants. Cela fut toujours vrai, c’est encore notre réalité, et cela sera vrai aussi longtemps que nous n’aurons pas pu, pas su ou pas voulu nous émanciper des pouvoirs comme tout peuple adulte le ferait.

Il faut comprendre qu’il y a deux sortes de lois. Les lois qui régissent nos relations aux autres, qui garantissent un minimum de vie sociale possible, compte tenu de la sauvagerie naturelle attachée à nos désirs et débordements instinctifs d’origine. A côté de ces lois que j’appellerais des « lois relationnelles de base », il y a les lois conçues et écrites par et pour les pouvoirs. Celles-ci, je les nommerai des « loi de castes ». Elles n’ont pas les mêmes fonctions et n’ont pas pour dessein de protéger le commun des mortels, mais bien les pouvoirs, tous les pouvoirs, donc la caste qui se considère supérieure à tout individu appartenant au peuple.

Voyez, là encore, la similitude d’attitude entre les parents dominants et les pouvoirs abusifs. Une loi qui est faite pour le bien commun s’applique à tous, du haut en bas de l’échelle sociale. Or, si vous, en tant qu’individu vous pouvez être poursuivis au motif tant des « lois relationnelles de base » qu’au titre des « lois de castes », lorsque vous résistez aux abus du pouvoir, les individus appartenant à ces castes, par contre, serez rarement poursuivis et encore moins condamnés au titre des « lois relationnelles de base ». De même, quel enfant d’un parent abusif n’est-il pas soumis à toutes les lois du parent, pendant que ce dernier ne se sentira pas du tout concerné par nombre de règles qu’il impose pourtant à sa descendance ? Vous voyez sans doute le parallèle que je veux faire, il me semble évident... C’est l’équivalent du fameux : « Faites ce que je dis, pas ce que je fais ! »

La loi comme prison des peuples et des humains.

Le principe même des lois empêche l’homme de grandir. Pour moi, c’est une évidence absolue. Saint Paul, fort détesté aujourd’hui, présenté comme le destructeur des actes et paroles du Christ, a pourtant dit des choses essentielles. A l’égard des lois, en l’occurrence de la loi des Pharisiens et autres pouvoirs religieux de l’Israël d’alors, parlant de la parole du Christ, il disait (je donne le sens, je ne cite pas) que le Christ était venu abolir la Loi parce que la Loi rendait les hommes esclaves. Sous-entendu, c’est l’Amour, tel que le Christ l’a vécu et enseigné, qui délivre les hommes en les délivrant de « la Loi ».

Or si l’on sort un peu des disputes stériles de notre époque et surtout de la confusion entre les religions instituées et la spiritualité, comment ne pas comprendre que l’Amour vécu selon l’exemple du Christ n’a nul besoin de lois, chose qu’avait très bien comprise Gandhi qui expliquait aux foules le « sermon sur la montagne » ? L’Amour vécu de cette façon, dans des dimensions héroïques, certes, respecte naturellement tout être et n’a pas besoin de lois. Les lois sont, si on comprend bien leur sens, des « garde fous » ; l’expression le dit bien puisqu’il s’agit de se garder « d’actes de fous ». L’Amour compris et vécu comme l’a enseigné le Christ, et pas que lui, il faut insister là-dessus, est sans doute ce qui peut, le plus sûrement faire de nous, en tant qu’individus comme en tant que peuples, des hommes libres, des adultes dans le sens plein du terme.

Voyez comme de telles phrases, et peu importe à quelles religions elles appartiennent, sont chargées de sagesse, une sagesse que l’humanité aurait tout intérêt à faire sienne, y compris sans le support des Institutions religieuses.

Lisez ce verset de l’Islam, cet Islam méprisé, sali, rejeté par des pouvoirs occidentaux qui ne peuvent imaginer qu’on trouve des merveilles ailleurs que chez eux :
« Quiconque tuerait une personne non coupable d’un meurtre ou d’une corruption sur la terre, c’est comme s’il avait tué tous les hommes. Et quiconque lui fait don de la vie, c’est comme s’il faisait don de la vie à tous les hommes. »

Ou, ces phrases attribuées à Lao-Tseu, reçues de « kroptokine » sur le forum de mon premier site, altermonde :
« Il n’y a pas de plus grand crime que de se livrer à ses désirs. Il n’y a pas de plus grand malheur que de ne pas savoir se suffire. Il n’y a pas de plus grande calamité que le désir d’acquérir. Celui qui sait se suffire est toujours content de son sort. »

C’est moins une question de religion que de sagesse, de spiritualité tout de même, mais qu’on peut trouver dans toutes les contrées du monde. Concernant l’Eglise catholique on peut remarquer, d’ailleurs, que très vite elle a oublié ce que disait Saint Paul, tant elle ne s’est pas gênée de charger ses fidèles de lois lourdes, écrasantes, qui le plus souvent épargnaient les puissants... Cependant, l’égarement du pouvoir religieux condamne-t-il la sagesse des paroles des uns et des autres ? Non, je ne crois pas et c’est pour cela que je parle de « disputes stériles » de notre temps, qui consiste à jeter tout en un seul bloc...

En résumé de cette première partie de l’article concernant les lois, je dirais qu’il faut distinguer, et c’est essentiel, « les lois relationnelles de base » et les « lois de caste ». Ceci, c’est pour notre temps, pour notre combat, pour comprendre ce que nous pouvons, moralement, faire ou ne pas faire.

Pour le futur, sans doute très lointain, il faut enseigner aux générations à venir, que les lois rendent les hommes esclaves ; qu’ils doivent être élevés, eux et leurs propres descendants, dans l’Amour qui seul pourra abolir en réalité la nécessité toujours actuelle des « lois relationnelles de base ». Le but est bien de parvenir un jour à nous débarrasser des lois, de toutes les lois au même titre qu’il faudra nous débarrasser des pouvoirs. Et si « mon futur » dans le texte n’est pas fixé par une date précise, il faut garder à l’esprit que le plus tôt sera le mieux pour l’humanité.

Comment nous comporter face aux lois ?

Notre comportement doit être différent selon les lois considérées.

A) Comportement souhaitable face aux « lois relationnelles de bases
Je me référerai à l’attitude de Gandhi, qu’une fois de plus je trouve exemplaire. Sa position était claire. Pour lui, toute loi juste devait être acceptée et respectée de façon rigoureuse. En effet, pourquoi combattre aujourd’hui les lois qui, seules, nous permettent de cohabiter ? Il faudrait être d’une particulière mauvaise foi pour ne pas admettre que nous ne pouvons toujours pas nous passer d’un minimum de lois. La nature humaine est encore tellement dans les « limbes » de l’esprit, et tellement proche, en revanche, de son animalité d’origine, que nous n’avons pas d’autre choix que de nous fixer des règles, ces règles que nous appelons des lois.

Gandhi affirmait ainsi que s’il voulait combattre les lois injustes qui, le plus souvent sont celles qui précisément n’existent que pour pérenniser les pouvoirs en place, il fallait qu’il respecte les lois acceptables et nécessaires. Cela tombe sous le sens, si du moins on veut bien faire un constat lucide. Pour lui, c’était sans doute l’expression de son respect, de son amour des autres humains, tout en étant une nécessité pour la crédibilité de tout son combat.

En fait, c’est la faiblesse même de la nature humaine qui nous oblige à nous charger de ces chaînes souvent écrasantes que sont les lois.
Nous ferions un grand pas vers notre libération par rapport aux lois si nous acceptions de consentir de véritables efforts dans l’apprentissage du respect d’autrui, de l’amour naturel que nous devrions porter à tous nos « frères » humains de toutes contrées, religions, cultures, mœurs, etc, à tous ces « frères » différents qui peuplent la terre.

B) Comportement souhaitable face aux « lois de castes »
Ici, le problème est radicalement inversé. L’amour de ces « frères » humains devrait nous inciter, moralement, à nous lever et à résister vigoureusement. Parce que ces lois sont toujours des lois destinées à la répression des peuples, mais avant tout à la répression des « résistants », et ceci dans tous les pays. Ces lois, qui n’ont rien à voir avec des règles de cohabitation entre membres d’une même société, n’ont pour raison d’être que la protection des pouvoirs contre nos révoltes, mais aussi la protection des privilèges nombreux et scandaleux que s’accordent les maîtres du pouvoir.

Ces lois, lorsqu’elles ne protègent pas tout simplement les exactions des membres de la caste, deviennent, forcément, par leur nature, des outils de répression pouvant mener à la mort. On a vu dans le projet de constitution européenne que les membres de la « conventionnelle » voulaient légitimer les meurtres de manifestants à l’occasion d’éventuelles insurrections. C’est le prototype même des lois perverses uniquement destinées à protéger les exactions et le principe de pouvoir de ceux qui prétendent encore nous gouverner sous régime démocratique... Voyez la perversité de telles lois...
Ce type de loi, c’est évident, doit être combattu par tous les moyens dont nous disposons. Il faut, radicalement, refuser d’obéir à de telles lois.

Par exemple :
Rigoureusement dans le même esprit, si nous comprenons que la surveillance de chaque individu est inadmissible dans une société qui se prétend libre, nous devons lutter contre l’installation de plus en plus hystérique de caméras ; il faut lutter contre l’idée même de carte d’identité numérique et biométrique comportant une puce électronique permettant de nous surveiller même à notre insu ; de même encore, il faut lutter contre des projets puissamment pervers concernant la prévention de la délinquance. Ces projets de lois, sous couvert de protection de la société sont inacceptables par leurs méthodes. Ce type de lois, permettant l’utilisation de la psychiatrie pour interner des gens, sur décision du maire ou du préfet avec un simple avis émanant du psychiatre, ne sont pas faites pour la « sécurité » des citoyens, mais bel et bien en vue de l’enfermement de tous les « déviants ». Qui seront ces déviants ? Bien sûr, pour respecter les apparences, il y aura quelques malades mentaux, mais au-delà, à l’exemple de ce qui se pratiquait dans l’ex-URSS, ce sera une arme pour enfermer tous les « déviants » idéologiques... Qui, sérieusement, peut en douter ?

De l’esprit des lois.

L’esprit des lois, dans mon analyse, dit à quoi celles-ci sont réellement destinées. Il nous faut, sans être juristes, discerner la nature des lois, « relationnelles de base » ou « de castes ».

L’esprit d’une loi nous dira si elle est créée dans l’intérêt général ou s’il ne s’agit que de règlements autorisant la répression des résistances à un régime donné. Les lois constructives permettent de vivre ensemble, les lois d’égoïsme et de répression, elles, ne sont là que pour écraser les membres d’une société. C’est cela que j’appelle l’esprit d’une loi...

Devenir « hors la loi », lorsqu’il s’agit des « lois de caste », au regard du droit, est illégal, bien sûr, mais au regard de la démocratie réelle, au regard de la morale de vie, du droit naturel, c’est un acte non seulement de bravoure, mais c’est totalement légal, puisqu’il s’agit de lutter contre des « lois d’exception » pour établir le « droit pour tous ». En acceptant le « devoir moral » de lutter contre les « lois de caste », nous devenons des hors-la-loi pour les pouvoirs, mais nous devenons surtout des hommes debout, luttant pour l’humanité et non pas pour une simple et méprisable caste.

L’humanité aura déjà fait un pas de géant vers son âge adulte, à partir du moment où les peuples sauront imposer aux pouvoirs la fin des « lois de caste ». Il faut viser cet objectif même si nous savons que le chemin sera très long et parsemé d’embûches. Mais, là comme ailleurs, si nous voulons avoir des chances de l’emporter, mieux vaut lutter de façon déterminée, mais non-violente. Les pouvoirs ont tous les outils de la force :
-  Les lois créées par et pour eux-mêmes.
-  La police et les autres forces de répression assermentées et à leur service.
-  Les armes et les militaires autorisés, pour ne pas dire incités, à en faire usage.
-  La Justice qui n’a, le plus souvent, que pour rôle d’avaliser et exécuter les lois voulues par le pouvoir.
-  Les prisons, ces mouroirs à pauvres, indignes de toute société moderne et démocratique.

Nous, nous n’avons rien de tout cela, mais nous pouvons avoir une conscience claire, une détermination totale. Et nous avons notre esprit, chose que les pouvoirs ne possèdent pas. Je parle de l’esprit de la non-violence, la puissance d’esprit montrée par Gandhi, avec le soutien du peuple, cette puissance d’esprit qui a fait perdre l’Inde à l’Angleterre pourtant surarmée...

Méditez cette parole du mahatma et qui dit tout : «  Dès que quelqu’un comprend qu’il est contraire à sa dignité d’homme d’obéir à des lois injustes, aucune tyrannie ne peut l’asservir. » (Gandhi)

à suivre

Publié dans Le pouvoir et nous...

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