Festival Camino de la non-violence : Interview d’Alain Refalo

Publié le par Jean Dornac

Le cycle des conférences et interviews réalisé à l'occasion du 1er festival Camino de la non-violence se termine avec ce texte. Rendez-vous, pour ceux qui pourront s'y rendre, en 2009...

Jean Dornac


 

vendredi 7 juillet 2006

par M. G.

 


Madeleine :
Bonjour Alain Refalo !

Alain Refalo : Bonjour Madeleine !

Madeleine :
Nous avons eu la chance d’inaugurer le festival Camino avec Patrick Jimena qui nous a menés vers un vrai chemin de beauté. Alors, poursuivre avec vous pour la présentation du Centre de Ressources sur la Non-Violence, n’est-ce pas cheminer, cheminer encore ?

Alain Refalo :
Eh bien, oui, je crois que le chemin vers la non-violence est un chemin qui dure, finalement, toute une vie. C’est un chemin, je dirais, le plus important est de le commencer, de prendre la décision de s’engager dans ce chemin. Ce n’est pas un chemin facile, mais c’est un chemin qui porte l’espérance, qui a du sens, qui donne du sens à sa propre existence ; qui nous amène à nous remettre en question ; qui nous amène à travailler en coopération avec beaucoup de personnes et je crois que c’est dans l’échange, c’est dans la coopération que l’on construit. Donc, ce chemin, on ne doit pas le faire seul, c’est sûr. Je dirais que c’est précisément dans cet échange, dans ce partage, dans cette rencontre avec les autres que l’on va apprendre aussi à mieux se connaître, à mieux connaître ses capacités, ses limites et avancer dans la non-violence.

Madeleine : Sur quel socle repose le centre de ressources sur la non-violence ?

Alain Refalo :
Le centre de ressources sur la non-violence, c’est une association qui a été créé par des personnes issues de milieux très différents, de réseaux citoyens très divers, et qui, un jour, se sont rencontrées à la faveur d’une action non-violente pendant la guerre en Irak. A la suite de cette action, elles se sont posé beaucoup de questions, notamment sur la guerre et la paix, et plus largement sur la violence et la non-violence. C’est là, dans cette rencontre, qu’est né l’idée de créer un Centre de Ressources sur la Non-Violence de dimension régionale dans le but de promouvoir la culture de la non-violence en mettant à la disposition des personnes, des individus, des associations, des institutions des outils, des outils pédagogiques, des outils de réflexion, des outils de formation. De façon à ce que chacun, là où il est, dans son milieu professionnel, dans sa famille, dans son association puisse s’approprier la non-violence, jusqu’à la découvrir, cheminer et ensuite pouvoir agir sur le terrain face à la violence telle qu’on peut la rencontrer.

Madeleine :
Alors, comme vous avez participé à Camino, est-ce qu’aujourd’hui vous pouvez déjà faire un premier bilan de Camino ?

Alain Refalo :
Camino, c’est un projet qui est né il y a environ deux ans, un projet ambitieux qui s’est construit au fil des mois grâce à l’implication de nombreux établissements scolaires, de nombreuses associations, de nombreux artistes, et avec le soutien, il faut le souligner, de nombreuses institutions, à commencer par la mairie de Tournefeuille, le Conseil Général, le Conseil Régional, qui ont compris que ce projet était novateur, qu’il était porteur de sens. Aujourd’hui, une semaine après ce festival, on est encore un peu sous le choc, on a recensé à peu près 12 000 personnes sur les trois jours, ce qui est tout à fait étonnant ; les conférences ont fait le plein ; les spectacles ont fait le plein ; beaucoup de monde a circulé dans le village associatif ; les établissements scolaires sont venus, avec leurs classes, participer aux différentes animations, assister aux spectacles, proposer des productions artistiques sur le thème de la non-violence. Ce qui est très intéressant, c’est que à Camino ont convergé des publics très différents, ça c’est une vraie réussite. A cette occasion, le manifeste Camino a été présenté, il reste encore à le faire connaître, à le diffuser, de façon à ce que, finalement, le plus grand nombre se l’approprie et, au nom de ce manifeste, puisse entreprendre des initiatives et des actions concrètes en faveur de la culture de la non-violence. Donc, le bilan est extrêmement positif ! Il va falloir digérer tout ça, maintenant, et pouvoir, peut-être, construire ce qu’il faudra bien appeler un mouvement, peut-être la « génération non-violence » dont on a parlé. Voilà ! Donc, il y a des dizaines d’idées en gestation, il nous reste maintenant à les rassembler et à toujours rester, malgré tout, dans le domaine du possible pour faire en sorte que ce qui s’est exprimé sur le terrain, à travers la préparation de Camino, puisse avoir un prolongement, avoir une continuité au travers des associations, des établissements scolaires, des institutions. Camino, ce n’était pas une fin en soi, c’était une étape dans une dynamique qui existe depuis deux ans sur la région et je crois que Camino va générer de nouvelles dynamiques, de nouveaux partenariats. Il reste beaucoup à faire ; il reste tant à faire pour cheminer, pour convaincre, pour apprendre la non-violence... parce qu’on ne saura jamais assez !

Madeleine :
D’autres festivals Camino en vue ?

Alain Refalo :
C’est sûr que la pression, déjà, est forte pour organiser d’autres festivals de cette envergure. Comme je le disais, Camino, le festival Camino, ce n’est pas une affaire en soi. Pourquoi pas dans notre région ou pourquoi pas d’autres rencontres sur la région, pas forcément sous la forme d’un festival, mais sous la forme de rendez-vous plus réguliers, plus modestes, de petite pointure, qui puissent toucher un grand nombre de personnes, toujours de milieux très différents. Et puis dans deux ans, dans trois ans, pourquoi ne pas faire converger toutes ces initiatives vers un nouveau festival ? C’est une hypothèse ! L’autre hypothèse, pourquoi pas un festival Camino chaque année ? Après tout, ça peut avoir aussi son sens, sa signification. Donc, voilà, rien n’est encore arrêté...

Madeleine :
Est-ce que vous connaissez des actions à venir sur la désobéissance civile ?

Alain Refalo :
Alors, sur le plan de la désobéissance civile, on peut noter une action récente, il y a quelques mois, qui consiste à barbouiller les panneaux publicitaires qui font 4 mètres sur 3, de façon à sensibiliser l’opinion à cet envahissement de la publicité dans notre quotidien, dans nos villes, cette publicité qui est, finalement, une forme de violence qui nous est imposée. Et donc, là, il existe une action citoyenne qui existe au travers du collectif des déboulonneurs. Il s’agit de « déboulonner » la publicité de son pied d’estale par des actions ciblées, des actions où les personnes assument directement les conséquences de leurs gestes et les revendiquent. Et nous avons un premier procès, d’ailleurs, qui a lieu à Montpellier le 27 juin. Ce sera le premier procès des déboulonneurs, ils sont deux à passer en procès. Il y a eu d’autres actions des déboulonneurs dans d’autres villes. C’est un mouvement qui grandit ; c’est un mouvement qui touche de plus en plus de monde et on sent que l’opinion publique est assez réceptive à cette initiative.

Madeleine :
Plus qu’avec les faucheurs ?

Alain Refalo :
Les faucheurs volontaires, c’est aussi une démarche très remarquable qui a déjà commencé il y a trois ans et qui touche plusieurs milliers de personnes. C’est un mouvement qui est parti de pas grand-chose mais qui devient un mouvement de masse. Je crois que les actions des faucheurs volontaires ont contribué à sensibiliser l’opinion sur la question des OGM. Elle a montré que les citoyens pouvaient aussi se mobiliser, entreprendre des actions illégales pour obliger le pouvoir à entendre la voix de ses citoyens. Aujourd’hui, on déplore l’absence de débat sur les OGM alors qu’une majorité de la population est opposée à cette culture du maïs transgénique. Donc, voilà, quand il n’y a plus de débat démocratique, quand la voix des citoyens n’est pas entendue, c’est vrai que se pose la question de la désobéissance civile avec tous les risques effectivement encourus par ceux qui enfreignent la loi. C’est une action citoyenne, c’est une action civile et je crois tout de même que c’est une action d’avenir. On peut parler aussi du Réseau Education Sans Frontière qui est tout récent et qui, d’ores et déjà, semble faire peur au pouvoir dans la mesure où des citoyens de base, des parents d’élèves, des enseignants, quasiment spontanément, refusent les expulsions des enfants de leurs écoles et acceptent de les prendre sous leur protection. Là, c’est tout à fait récent, avec ce type d’initiatives, les citoyens se rendent comptent qu’ils ont un pouvoir. Ils ont le pouvoir de voter, d’élire leurs représentants et un moment donné, quand la démocratie ne fonctionne plus, quand les élus ne sont pas assez à l’écoute, eh bien l’action non-violente, par la désobéissance civile oblige les politiques à prendre en compte ces voix, ces voix des citoyens. Là, il y a des rapports de force qui se mettent en place. Si on n’arrive pas à convaincre le pouvoir, il va bien falloir le contraindre ! C’est vrai que plus il y aura de personnes qui s’engageront dans ces actions, plus le mouvement sera massif, plus il sera possible de créer un rapport de force qui obligera le pouvoir à modifier les lois, le vote.

Madeleine :
Alors, ressourcer, aller à la source, n’est-ce pas un peu le chemin qui nous attend tous ?



Alain Refalo :
Se ressourcer... C’est important, je crois, effectivement, de se dire qu’il y a une histoire de la non-violence, une histoire des luttes non-violentes qui ne sont pas si bien connues que ça. C’est important de se ressourcer auprès de personnalités qui ont marqué l’histoire de la non-violence, que ce soit Thoreau, que ce soit Gandhi, que ce soit Tolstoï, Martin Luther King. C’est une histoire qui a encore une certaine actualité dans la mesure où, effectivement, il y a des textes qui sont encore porteurs de sens, qui peuvent inspirer des actions et qui renforcent encore notre conviction, nos intuitions. Beaucoup de gens ont l’intuition de la non-violence, mais n’ont peut-être pas les mots, n’ont peut-être pas les références historiques, culturelles, philosophiques pour faire en sorte que ces intuitions se traduisent dans des actions, des initiatives, des convictions qui, finalement, donne sens à leur résistance.

Madeleine :
Est-ce que vous aimeriez ajouter quelque chose pour conclure ?

Alain Refalo :
Ma conclusion, du point de vue du Centre de Ressources, c’est vrai depuis deux ans, nous avons constaté qu’il y a une dynamique forte autour de ce projet, de nombreux adhérents se sont engagés dans l’association. Donc, l’association, aujourd’hui, compte près de deux cents adhérents. Nous avons pu générer des projets en partenariat avec des acteurs de terrain, ce qui est tout à fait dans la finalité de l’association. Ce projet de Centre de Ressources est en train de prendre pied ; il a quelque part aussi accouché du festival Camino, ce qui n’est pas rien. Donc, je crois que ce qui est source d’espérance, c’est de voir que la non-violence est sortie de son ghetto, dans lequel elle était enfermée pendant des années, ghetto militant ou ghetto spirituel et qu’aujourd’hui elle touche vraiment tout un chacun. Elle peut toucher tout un chacun... encore une fois, ce n’est pas un chemin facile, mais dans la mesure où, face à à la violence, on n’a pas trouvé les réponses, en tout cas les réponses traditionnelles s’avèrent inadéquates, eh bien je crois que là, tout l’enjeu, c’est de montrer que la non-violence est possible, qu’elle apporte des réponses, pas toutes les réponses, mais qu’elle amène des personnes à se poser de nouvelles questions qui, elles-mêmes, engendrent de nouvelles réponses. Et c’est ça qui est vraiment source d’espérance !

Madeleine :
Merci !

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